magazine: Nylon, novembre 2008, avec Paris Hilton sur le cover
masque sur le visage: banane-citron
musique: Peaches, Hit it hard
J’ai pris des cours de natation jusqu’à quinze ou seize ans. Je voulais devenir sauveteure et porter un joli maillot rouge ajusté sur mes pas-de-seins. Je voulais surtout pouvoir dire que j’étais sauveteure, je trouvais ça top, comme de dire j’ai mangé des sushis avant que ce soit populaire ou je mange des cheeseburgers extra bacon sans grossir ou je peux courir un cent mètres en talons hauts (je peux tout faire en talons hauts, surtout si ça implique un métro qui ferme bientôt ses portes et une envie furieuse d’aller faire pipi). Je me rasais les poils du bikini, of course, avec un rasoir parce que les produits de ma mère, de la crème épilatoire, je les trouvais épeurants et trop collants.
Mais se raser la chatte au complet ? Pour un aspect baby shave ? Pas pour la natation. La première fois que j’ai entendu parler de la brésilienne, ou de la piste d’atterrissage shave, j’étais au secondaire, c’était le retour en classe, début septembre, et mon amie Misha se demandait si elle devait continuer à se raser au complet ou si les autres filles, au vestiaire, dans les douches communes, la trouveraient trop salope.
(Les filles de seize ans, dans des douches communes, regardent toujours les seins et la chatte des autres filles de seize ans, parce qu’elles veulent savoir ce qu’il y a sous le col roulé Jacob de l’une et savoir qui se padde le soutif et qui a les seins déjà pendants et qui a une chatte trop poilue ou trop rousse, et parfois aussi, dans les douches communes, les filles de seize ans oublient leur savon et elles demandent à leur copine de leur donner un peu de savon liquide aux poires Dans un jardin, et vraiment, la copine voudrait presque savonner sa copine, au lieu de lui verser le savon dans les mains, elle voudrait savonner partout partout, faire mousser le savon entre les fesses de sa copine et l’arroser d’eau chaude, après.)
J’ai demandé à Misha pourquoi elle se la rasait au complet. Elle a dit qu’au début, elle était un peu sceptique, mais elle l’avait fait, par obsession soudaine pour ses poils (c’est l’été ou elle s’est épilé les jambes avec une pince à sourcils) et pour son copain Gabriel Manuel. Elle a dit aussi que c’était incroyable, si doux, et que se faire lécher la chatte toute rasée, c’était l’extase, beaucoup mieux, toujours mieux que de voir la face de son mec dans une forêt amazonienne, du poil foncé entre les dents.
Je me souviens pas de la première fois que je me suis toute rasée. Mais je sais pour quelles raisons je le fais souvent, raisons morales ou pas vraiment morales, genre comme ça, je sais que je suis plus sexy que l’ex d’Alexandre Le Grand, comme ça, il sait que je veux qu’il s’occupe de ma chatte, comme ça je peux lui dire, quand il revient d’un bar ou les barmaids connaissent son nom et lui font des beaux sourires toute la soirée, que j’ai la chatte la plus douce au monde, et il oublie les barmaids, en tout cas il les oublie assez pour ne pas me comparer à elle, pour me trouver incomparable, pour juste avoir l’envie de garder sa main sur ma chatte, de m’agasser et de manger une poutine (la poutine est ici sans relation avec ma chatte, je n’ai pas une chatte qui goûte ou sent la poutine, la poutine elle est juste obligatoire, tous les jeudis, avec ou sans petits morceaux de saucisses dedans).
Je le fais aussi parce que ça me plaît maintenant, avant je me questionnais, c’est pas naturel et tout, mais franchement, j’ai laissé faire le naturel. Quand l’artificiel est plus avantageux que le naturel, je veux, je veux. Et j’aime l’aspect traditionnel de tout ça, la routine, sortir le rasoir, choisir une crème à raser qui sent le melon ou l’abricot, faire couler un bain, me plonger dedans, lire un Us weekly, échapper le Us weekly dans le bain (une fois sur trois), et me raser, en trouvant ça super cool de tout faire disparaître rapidement rapidement les petits poils, de chercher ceux qui se cachent, un près du nombril, un plus loin sur la cuisse.
Je suis une fille très traditionnelle, me raser et aller à l’église me permettent de me sentir super zen et tout et tout.